Street Art Casablanca des ateliers d'Artistes à ciel ouvert
Culture
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MAROC, UN ROYAUME D’ARTS VIVANTS, HUMAINS, URBAINS


Par Ambre El Youbi de Saint-Denis
Issu de la culture hip-hop, le street art (art urbain) est un mouvement de la contreculture, reconnu comme tel dès la fin des années 70 aux USA. Le graffiti et le street art, se sont nourris réciproquement, traversant et unissant tous les continents.
Aujourd’hui, le street art est accepté internationalement dans les canons de l’histoire de l’art. Prépondérant sur le marché international de l’art contemporain, il a trouvé sa place dans les galeries et s’est frayé, bon gré mal gré, son chemin dans la grande distribution. Cependant, son médium de prédilection restera pour toujours les murs de la “street”, et ce dans le monde entier.
Les street artistes, ces prodiges, l’exercent comme moyen d’expression ultime, aux objectifs bien déterminés : imposer, offrir un message engagé, visuellement fort et riche d’esthétisme, accessible au grand public. En somme, des œuvres altruistes empreintes de valeur universelle.
Les artistes urbains ne franchissent généralement plus la limite de la légalité. À mesure que leur travail devient plus connu et plus répandu, leurs œuvres sont acceptées, recherchées et même commandées. Le street art participe également à l’attractivité locale et touristique de certaines grandes villes, dont Casablanca au Maroc.
Le street art interroge, pour prendre son sens, ici, au Maroc
Dans un monde social où la culture de l'image est un outil de communication à forte valeur ajoutée, l’art urbain pénètre la vie quotidienne de ses habitants et redorent d’une certaine façon leur vie, leurs quartiers.
Cette forme artistique continue à démontrer sa capacité à embellir les lieux qu’elle investit, mais surtout à faire réagir, réfléchir, ouvrir le dialogue social, et favorise la créativité.
Ainsi contre tous préjugés, le Royaume du Maroc s’ouvre et se positionne culturellement quant à la valorisation des initiatives artistiques urbaines. Dans une perspective de valorisation des arts et de la culture du continent africain. Ce qui confirme sa volonté de représenter la capitale culturelle de l'Afrique, depuis 2020.
Valorisation des quartiers et parti pris culturel
De nombreuses initiatives culturelles locales ont permis d’attirer certains artistes de renommée internationale au Royaume du Maroc, encourageant l'émergence de véritables artistes en herbe localement. Les deux capitales marocaines, Rabat et Casablanca, sont à présent reconnues comme les meilleures destinations du monde dans le milieu du street art, autant pour les artistes urbains que pour leurs aficionados. Et si les œuvres qui s’imposent à bras ouverts sur ces murs ne sont pas explicitement contestataires, elles invitent à la contemplation et participent incontestablement à une valorisation des murs des quartiers populaires de la ville blanche.
Les œuvres s'ancrent dans une dynamique culturelle singulière et féconde. Depuis 8 ans, Casablanca, devenue un véritable atelier à ciel ouvert, organise des évènements annuels, où chaque artiste est invité à participer. Grâce aux associations comme : EAC-L’Boulvart (éducation artistique et culturelle) à qui le Maroc doit les festivals reconnus internationalement comme, Sbagha Bagha (sbaghabagha.ma) et Jidar - Toiles de rues à Rabat (jidar.ma), ou encore Casamouja, Urban Art Wave, projet organisé par Casablanca Events et Animation (CEA). Le Maroc figure désormais parmi les hauts lieux d’échanges artistiques du continent africain.
Street art & smart : printemps, confinement, ramadan
La volonté de création artistique est collective et bien définie. L’art graphique, l’art visuel pluridisciplinaire, le rapport à l’espace public et la création se donnent la liberté de s’étendre, avec la participation des habitants de chaque quartier. Ces pistes de narrations artistiques urbaines sont pensées avec et pour eux. Des activités programmées en amont, permettent la rencontre et l'échange, avant l’étape de création et la production des fresques commandées.
Casablanca a fait le choix d’intégrer cette forme artistique dans son identité, en lui donnant une visibilité internationale, mais pas seulement. Localement, depuis le premier confinement, certaines rues ont été transformées. Ces "quartiers libres" à la création se sont révélés, sous la simple initiative et mobilisation de jeunes. Ceux-ci, empreints, sensibles ou ayant ce goût inné pour l’art urbain, se sont réappropriés les codes d'un mouvement pour exprimer leur volonté : « Agir ensemble pour embellir les murs de notre quartier, pour le bien-être de tous. »
Aux prémices de l’été, cette énergie de faire ensemble “chez nous, pour nous et pour tous” a ainsi pris forme dans le quartier de Sbata sur le boulevard du Martyr El Arbi El Bennay. Les murs se sont revêtus d'une nouvelle âme, mobilisant l’ensemble des habitants, portés par la solidarité de leurs jeunes artistes.
Dans ce même contexte, une autre très belle initiative au cœur de Casablanca est née : rue Lissasfa, aujourd’hui surnommée miniature de Chefchaouen. Dans ce quartier pourtant déconsidéré, les habitants, toutes générations confondues, ont pris l'initiative de nettoyer, rafraîchir et repeindre les murs de leur rue en blanc et en bleu. Surtout en bleu, en clin d'œil à la ville de Chefchaouen. Une esthétique revue, en accord et en chœur.
Le street art : une discipline artistique plurielle et populaire
Casablanca fait partie de ces grandes villes, dont l'architecture contemporaine reste habitée d'un riche patrimoine historique confrontée aujourd'hui à cette nouvelle forme d’expression qu’est l’art urbain.
De nombreuses manifestations sont organisées par des associations, des collectifs artistiques, où tout le monde -les habitants du quartier en premier lieu- peut participer, interagir, regarder, critiquer, en somme, échanger. Les voyageurs du monde, les curieux, passeront plus tard par-là, captivés par des œuvres à taille humaine, exposées sur des façades d'immeubles aux revêtements précaires.
L'art urbain est délibérément voyant, coloré, conscient que l'image s'ancre dans nos pratiques, nos vécus, nos habitudes et participe quotidiennement à construire nos imaginaires sociaux. Pour autant, Casablanca reste encore loin des effets de la “gentrifications”. Le street art préserve son image emblématique et symbolique au sens pluriel. Un repère, un vide comblé, pour certains, un mur comme une page blanche, embelli et valorisant, pour d'autres. Le soin apporté à la qualité esthétique et créative émane de la volonté de chaque artiste à offrir de la beauté à un espace, inaperçu auparavant ou morose. Un acte poétique hors les murs, dans un musée à ciel ouvert, qui interpelle, à travers un jeu de résistances et de reconnaissances.